Le temps d'un passage

Carnets de Chine I (25/4/2005 - 5/5/2005)

Dernière étape avant la lune…

 

Mardi 25  avril 2005

 

Je me décide en fin à recopier les notes manuscrites de mon petit carnet…

 

9/4 (18.30 - Salle d'embarquement) – 38 kg pour 20 autorisés en soute, négociables à 30, sont passés grâce à la compréhension d'un guichetier, ainsi que 12 en cabine pour 5 tolérés - je veux y voir un signe positif.

 

4.30 – Nous avons rejoint le soleil au-dessus d'une mer de nuages. L'hôtesse vient d'annoncer que nous sommes à deux heures de Shanghai – soit aux environs de 10.30, heure locale. J'ai dû réussir à dormir deux heures cotonneuses et pharmaceutiques. Deux ou trois chinoises parlent très fort derrière moi, ce qui ne gêne pas le moins du monde mon voisin qui dort depuis le décollage.

 

10/4 – Le choc est violent ! Faire la route entre Shanghai et Changzhou équivaut à visiter le début du XXème siècle, une zone d'impact post-nucléaire, et le chaos d'une modernisation aussi aléatoire qu'anarchique. De-ci, delà, sur un chantier long d'environ deux cents kilomètres, des groupuscules allant de deux à sept ou huit hommes remuent un peu de terre, à l'abord d'un campement de fortune où ils logent plusieurs mois avec ou sans leurs familles… J'entends une terrifiante banalisation du drame dans la voix de F qui est venu me chercher à l'aéroport…

 

Premier dîner au Milo Coffee, banlieue de Changzhou… Espace standardisé pour expatriés et chinois nouveaux riches, les Beatles en fond sonore, mais le personnel ne parle pas anglais et il n'y a que des baguettes sur un plateau complet qui est un authentique festin après le rata de l'avion. La déco fait très pub de province dans le nowhereland du mauvais goût.

 

Ma chambre d'émigré de luxe dans le trou du cul du monde, au 2ème étage de la petite maison que loue F. On se croirait en banlieue de Cergy-Pontoise, résidence pour cadre moyen-sup… Un temps de chien, au moins de novembre… Le pays tout entier est en construction, tout est donc encore à faire. Mais pourquoi faut-il que dès qu'il s'agit d'investissement, d'argent, le projet soit aussitôt enlaidi ? F se voit bien passer trois, quatre, cinq, dix ans ici, puis rentrer fortune faite…

 

12/4 – Malgré toute la bonne volonté de F, obtenir un téléphone, un vélo, un ordinateur, un billet de train, tout est très compliqué. Demain midi, je rencontre le directeur du lycée de Changzhou. Jeudi, je prends le train pour Shanghai avec deux adresses en poche. Il vaudrait mieux qu'il se passe quelque chose assez rapidement… Si Changzhou est le trou du cul du monde, il faut imaginer sa banlieue en proportion… On se rapproche du gros colon – que je suis !

 

13/4 –Lycée international de Changzhou, immense site sur lequel sont posés d'énormes bâtiments staliniens. Le directeur reçoit essentiellement pour offrir au monde son accent so british… L'onctuosité de l'homme assure que le recrutement de septembre se fait en juin, en fonction des candidatures, et qu'il est évident que je suis bien placé… Pourvu que j'aie trouvé autre chose d'ici là !

 

Cet après-midi, pour passer le temps, je suis allé dans une salle de sport où F a ses entrées par le biais de sa boîte… Une salle des machines avec des TV partout et des femmes de nouveaux riches qui courent sur des tapis roulant en regardant les mêmes insanités que partout dans le monde. En deux ans, j'ai pris quinze kilos et quinze ans. Le prix de la corruption. Ce sera difficile de remonter cette pente qui ne fait plus que descendre…

 

14/4 – Gare de Changzhou. Seul occidental au milieu de quelques milliers de chinois, je suis dans la position du sauvage africain exhibé à Paris ou Londres à la fin du XIXème… Très heureux de me débrouiller seul en ville, en taxi, de savoir dire bonjour, merci, gare, thé, à demain, etc, mais je sens que ça ne va pas m'amuser bien longtemps… Je savoure cependant la salle d'attente, vaste hangar très bruyant, truffé de TV. Un jeune couple plutôt aisé s'engueule à ma gauche – la part de jeu de la fille, l'internationale du sitcom… Beaucoup de gens de toutes conditions dorment affalés sur place, comme activés/désactivés par un bouton on/off. Arrivé très en avance, je suis au premier rang des portillons qui libèrent l'accès aux quais. A ma droite et à ma gauche, le siège en fer est libre, tandis que la cohue statique remonte au moins sur cinquante mètres et que plus une place n'est disponible… Enfin un homme vient s'asseoir à ma droite et rompre mon isolement physique...

 

Les deux femmes qui me font face de l'autre côté de la petite tablette sont très intriguées par ma calligraphie alors que je prends les notes concernant la salle d'attente et qu'un paysage d'une grande pauvreté défile par la fenêtre. Ma montre aussi les subjugue fortement, les trois cadrans… Je leur tends, elles la prennent en remerciant xièxiè, xièxiè… Je leur propose la planisphère de mon agenda histoire de récupérer ma montre et leur indique la France, mais l'occident, au moins l'Europe, semblent une abstraction. Elles rient beaucoup, c'est bon enfant. Tandis que le wagon entier mange et boit du thé, le paysage offre toujours cette alternance de désolation et d'hyper industrialisation névrotique. Cette Chine est hideuse, interminable banlieue polluée et puante, peuplée d'une impressionnante masse plus ou moins active.

 

Wu Xi, Suzhou, on se rapproche de la civilisation. Un groupe de touristes blancs sacs au dos sur le quai, des sexagénaires en bande qui diront « j'ai fait la Chine Â». Suzhou est vendue comme la Venise d'Asie dans les dépliants touristiques...

 

Shanghai… Le nom m'a toujours fait rêver. J'ai même écrit une Dame de Shanghai, il y a bien longtemps… Ne sachant trop comment m'orienter, j'appelle T, neveu d'Y – éminent membre de l'atelier d'écriture que j'animais encore il y a quelques mois…. Installé ici depuis un an en tant que traducteur licencié de Langues O, T est une planche de salut assez inespérée. Je me retrouve donc dans l'une des quatre lignes d'un métro très moderne, très propre, avec un énorme sac de voyage et une tête de plus que tout le monde, ce qui rend la discrétion très incertaine. Rien à voir cependant avec Changzhou - outre l'indifférence générale, je croise même un américain… Aux abords de People's Square, l'espace vital de chacun se réduit encore considérablement, tout le monde reste stoïque. Je suis trempé de sueur…

 

Je retrouve T devant un Mc Do, il m'emmène dans un petit café comme on peut en trouver à Montréal. Deux Coronna plus tard, la vie reprend ses droits… Notre connivence est une évidence, seule une certaine prudence repousse au lendemain un rdv chez lui. Il me dégotte un hôtel bon marché qu'il réserve par téléphone, me réquisitionne un taxi, et me voilà dans la nuit shanghaienne, abordant le Bund par le haut d'un périphérique suspendu, serpentant autour de buildings ultramodernes dans un nuage de pollution et d'illuminations métalliques et dorées qui rappellent les premières scènes de Blade Runner, ou Moebius, Druillet, K. Dick… C'est le monde du futur, la vitrine de la Chine d'aujourd'hui… Arrivé à l'hôtel, on retrouve l'autre Chine, les cuisines du quotidien… Les 60 yuans annoncés au téléphone sont devenus 160 (15€), je cède par facilité, prends la clé et découvre un dortoir de six lits défaits où il est bien évidemment exclu de laisser un sac dans la journée. Demi-tour jusqu'à la réception d'où j'appelle T qui par téléphone obtient mon remboursement et me propose de venir dormir chez lui…

 

Me voilà donc annonçant crânement Huai Hai Zhong Lu / Wu Lu Mu Xi Lu à un chauffeur de taxi et ça marche ! (Depuis, je prends beaucoup de plaisir à réciter wouloumoutchilou comme un mantra…) Wu Lu Mu Xi Lu, donc, traverse le quartier de l'ancienne colonie française. Les rues sont bordés de platanes, de micros commerces se résumant parfois à deux chaises et un parasol qui proposent aussi bien une coupe de cheveux, des raviolis vapeurs que des DVD de films pas encore sortis en salle, pour quelques renminbis (rmbs)… A Changzhou, downtown, j'ai trouvé Million Dollar Baby, Sin City, Sideways, Ray, Un long dimanche de fiançailles, The interpreter, entre autres, pour 7rmbs pièce, moins d'1€… Pour l'heure, je suis téléguidé par T jusqu'à un carrefour bardé de militaires et de flics aussi peu engageants qu'ailleurs. Les enceintes hérissées qui occupent trois angles du croisement sont celles des résidences consulaires d'Iran, des USA et de France… A vingt mètres, une belle grille ouvragée marque l'entrée d'une petite cité ouvrière, une dizaine de petits bâtiments de trois étages, quelques jardinets, un immense palmier, du linge aux fenêtres, des gens qui arrêtent ce qu'ils font pour me regarder passer – toubab transpirant avec gros sac… T est au 42, dernier étage. Un living, une chambre, une salle de bain, et une cuisine sur le demi-palier à partager avec le locataire du second, pour environ 300€. Une belle vue sur les jardins consulaires, la clim, un réservoir d'eau fraîche et potable, des guitares et un ordi, tout va bien…

 

Nous sortons dîner dans un restau régional où nous rejoint Ren Yin, sa copine de 22 ans, étudiante en commerce, poupée internationalisée en phase ronchon – pas nécessaire de parler chinois pour comprendre « tu m'avais promis que ce serait notre soirée Â»â€¦ T, 33 ans, négocie en douceur... Je paie pour tout le monde, un peu moins de quinze euros… Au retour, nous écoutons un peu de musique, du rock chinois joué par des amis à lui, plus ou moins connus, dont il s'occupe d'une manière ou d'une autre, traduit les textes, organise des tournées, crée des sons. Les influences ne sont pas encore digérées… Le même morceau navigue des Red Hot Chili Peppers aux Talking Heads en passant par Madness. Une chose est sûre, ils ont faim ! La première et la meilleure des maladies ! Ensuite, tout se gâte… A part ça et les traductions qui le font vivre, T pratique très assidûment un bouddhisme japonais. Je suis claqué, lui aussi - matelas absolument parfait dans le salon, j'ai l'impression d'enfin arriver en Chine…

 

15/4 – Je suis reçu à l'Alliance Française Ã  11h00 par les mêmes mots qu'au téléphone, dans l'autre vie… « Vous savez, je n'ai pas grand chose à vous proposer… Â» De mon côté, je n'ai tellement rien à perdre qu'une petite heure plus tard, je repars avec une conférence pour le 9/6 et un atelier d'écriture les deux week-end suivants… « Je sais que ce n'est pas beaucoup mais dites-vous que vous êtes mieux payé que les profs… Â» L'essentiel est donc sauf… L'endroit est agréable, agencé/conceptualisé par une peintre/designer de talent ; TV5 diffuse les images d'un incendie rue de Provence ; les chinois croisés s'essaient jovialement à un bonjoul auquel je réponds par le déjà habituel nihâo !

 

Rencontre de Xu Tao, meilleur ami de T, jeune chinois de 27 ans, cheveux longs et tee-shirt du Che, au regard farouche et timide, très limité en anglais, admettant qu'il se repose sur le trilinguisme parfait de son copain. Ensuite, T me traîne comme un cousin de province, au gré de mes caprices de touriste, de l'achat d'un plan de la ville et d'un dictionnaire anglais/chinois au thé promis à ma vieille mère, d'un repérage informatique pour le lendemain à une Tsing tao au Rendez-vous café, bar un peu chic, un peu cher, où défilent quelques créatures de rêve, d'un côté ou de l'autre de la vitrine... Après l'angoisse de Changzhou, je me sens revivre.

 

Depuis le rdv de l'AFS, je n'ai pas quitté mon déguisement d'écrivain Français, j'ai les pieds en compote. Le temps d'une douche chez T et Xu Tao, graphiste, est de retour avec son amie, Jin Lan, styliste et amie de Ren Yin. Nous dînons dans le feu des épices d'une région dont j'ai oublié le nom, puis nous prenons la direction d'un bar où T a ses entrées… La température est estivale.

 

Ce bar, dont le patron, un grand chinois un peu lourd, tignasse en bataille, largement éméché, tombe dans les bras de T à notre descente de taxi, n'est pas sans me rappeller celui de La ville basse… Willy accueillant Tom  ne s'y serait pas pris autrement mais nous nous situons plutôt à l'entrée de la MJC de Montigny les Cormeilles à la fin des 70's ! Tout le monde est largement entamé, le climat particulier naît de cette symbiose idéale mais que l'on devine rare entre expats ouverts et natifs ouverts… Sur une scène de la taille d'un mouchoir de poche, décorée en tout et pour tout par quatre posters (Jim, Bob, Elvis, le Ché), une brochette de lascars très rock underground se colte à des standards ignorés par 99% de la masse chinoise… Get up, stand up, en ragga par des tondus, tatoués, le patron empoignant sa Strato, j'aurais aimé voir ça à La Rochelle ! Et le Ouïgour, « tribu de l'ouest, touchant l'Afghanistan Â», perfecto blanc, balançant nickel du Gypsy King chinois, clone de Dylan période Highway 61, roule ses clopes entre deux sets...  La soirée file, les billets aussi, un américain explose la baraque à l'harmonica, les gamins essaient de me saouler… Un rdv avec la vie ! Ça faisait un bail !

Nous finissons par rentrer… T et moi, soucieux de confronter nos spiritualités, nous attardons dans son salon. Je craque pour une clope… Il est cinq heures quand nous admettons réciproquement que nos divergences n'en sont pas, n'appartiennent qu'au petit soldat frontal de l'ego, que pour l'essentiel, nous nous partageons le monde avec autant d'appétit que celui qui a compris que cette fois-ci encore, nous n'irions pas plus loin que la salle de transit… (à suivre)

 

16/4 – On ne rigole plus du tout, une stratégie sans faille est mise en place pour obtenir un pc portable au meilleur prix. Je suis le toubab à tondre, Xu Tao le négociateur, T le traducteur… Nos repérages de la veille nous font gagner du temps… Très vite, une ambiance très Godfather s'installe. Assis à l'écart, je n'adresse pas la parole au vendeur qui hausse le ton tout seul face au flegme de Xu Tao. T rend compte, théâtralement désolé du manque de compréhension du vendeur. Je réfute et rejette par les gestes et la moue, pose des questions à mes complices/traducteurs pour estimer jusqu'où nous pouvons aller… Les relations sino/nippones étant particulièrement tendues ces temps-ci, tout ce qui entre du Japon est taxé à 200%. Le jour d'une manif anti-japon en ville, nous n'irons pas jusqu'où nous l'espérions. Mais je possède désormais un Compaq dernière génération, largement optimisé, tout ce qu'il y a de plus performant, pour un peu plus de 1000€, soit une grosse moitié de son prix en France… Mon train part dans moins d'une heure ! Pour remercier mon petit monde, de retour chez T j'offre une consultation de tarot. Incroyable feng shui, tout le monde tire le Monde ! Kiss you good bye everybody, see you in a few days ! Je m'effondre dans le train, à la chinoise…

 

Cadeau de retour, F m'invite au Shangrila, haut lieu gastronomique de proximité pour nantis planétaires… Indéniablement, c'est super bon. On en vient même à se demander comment on peut faire de l'aussi bon avec si peu d'âme… Du marbre partout, de l'anglais international à toutes les intersections, des limousines garées à l'entrée, des loufiats souriant, etc. Contexte à chier, bouffe de luxe accompagnée de deux verres de bordeaux totalement inespérés, et F qui avance très lentement, loin du potentiel nécessaire à la concrétisation de notre projet… Il invite un couple d'allemands et leur petite fille à la maison. L'homme est content d'avoir ramener sa machine à café et celle à trancher le jambon, la femme s'ennuie et rêve d'un intérieur comme celui de F... Enfin, ils s'en vont.

 

17/4 – C'est donc un dimanche de retour vers nulle part avec un ordi tout neuf relié à rien…

 

18/4 – Dur. En attente de tout, F débordé… Impasse. Waiting for any connection…

 

19/4 – Après Shanghai, je craque ! Tout semble infaisable ! Le minimum est une montagne ! Bon Dieu, qu'est-ce que je fous là ? Perdu à Changzhou comme à Lauzières, village ostréicole rochelais qui finit dans la mer... Seul, déconnecté. J'ai relu mon requiem en vue de cette conférence… Trop bavard. De bons passages, mais rien ne va au-delà de la plainte initiale, de la blessure narcissique. Il faudrait écrire Shanghai – Poitou Charente Express… Rien que le titre dit tout ce qui me sépare de Brautigan ! Je pense souvent aux gosses, pas seulement les miens, aussi ceux que j'ai élevés quelques années… Quant à mes fils, ils vivent leur vie et c'est très bien ainsi. De temps à autres, ils doivent mettre le papa/daron baroudeur en avant et, à leur âge, on n'a besoin de rien d'autre qu'un repère quelque peu mythique à transcender…

 

20/4 – Enfin l'ADSL ! Libé, France Info, Google, de l'astro, des e-mails, de quoi faire oublier momentanément les quintes de toux qui m'empêchent de dormir. Si la chaleur est poisseuse, la pollution est épouvantable. Le pire, c'est en taxi quand, avec la vitesse, l'air toxique, presque visible tant il est chargé, s'engouffre par les fenêtres grandes ouvertes. Ça pique la gorge, les yeux… Je pars faire un tour à diannao chung, mot à mot la ville de l'ordinateur qui est en fait un quartier dévolu au business informatique – un computer center comme partout bien que celui de Shanghai tienne davantage du Printemps ou des Galeries Lafayette. A Changzhou, diannao chung est étalée sur plusieurs rues reliées entre elles par des ruelles, des passages, où pullulent des échoppes d'ordis, d'imprimantes, d'écrans, etc. Je cherche une multi prise USB… USB ? Hendao USB ? Yes, yes, hendao USB !!! Beau petit boîtier en plastique transparent, quatre entrées… To sao ? Le type écrit 45 sur un bout de papier… J'éclate de rire, lui aussi. Je lui prends le stylo des doigts, écris 25, il s'arrache les cheveux pendant que ses fils, cousins, copains, se marrent tout autour. Il peut pas faire mieux que 35… Mei you, mei you (prononcer mèyo)! Tant pis, je la prends pas. Bu yao, bu yao (bouya)! Finalement, je l'emmène à 30 en promettant de revenir leur acheter une imprimante… Très bon esprit.

 

21/4 – 45' de fitness sur des machines… Chaque minute est un pensum. L'ennui est absolument majuscule. Ce soir, F a décidé qu'on allait « se mettre sur le toit Â»â€¦ Nous nous offrons donc une bouteille de Jim Beam au Shangrila. Deux charmantes pétasses asiatiques hyper pros chantent les standards de ceux qui détiennent la carte gold qui fait tourner la boutique. L'une d'entre elles est très jolie, chante très bien La Bamba et autres conneries… Elle nous accorde dix minutes réglementaires en fin de set, on est aux antipodes du bar de Shanghai – je ne suis pas sûr que F mesure le gap… Après un passage quelque peu destroy au Milo Coffee, nous finissons par nous endormir dans l'escalier qui mène à nos chambres…

 

 

22/4 – Ça y est, j'en suis ! Ce soir dîner du cercle des expats de Changzhou… Goddamit, such a boring ! Mais, quand ça ne les inquiète pas, ça leur plaît de compter un écrivain parmi eux… Usurpation. J'ai été écrivain… J'ai de la fièvre, tousse comme un perdu que je suis, passe le temps à changer de tee-shirt tellement je transpire. Si je pisse trois fois par jour, c'est une aubaine ; et je chie deux fois par semaine à la limite du fluo. Bref, je change de vie dans la douleur. Comme je suis incapable de me passer d'une dépendance quelconque, je me suis mis au thé vert ! Un litre et demi par jour. J'ai déjà perdu deux kilos… Plus que treize…

 

23/4 – Excellent dîner préparé comme chaque soir par Ayi (Tata… Elles s'appellent toutes comme ça, c'est le nom de la fonction. No comment.) qui gère les contingences de la maison, en commençant par J, cinq ans, puisque F part à 8.00 am et rentre à 8.00 pm… C'est elle qui fait les courses, le ménage, la lessive, va chercher les billets de train, va au pressing, etc. Très confortable mais elle ne parlera jamais un mot d'anglais et persiste quand elle s'adresse à moi à me balancer des phrases d'une à deux minutes de montre qui commencent à la grosse boule de feu, passent par une ou deux révolutions culturelles, et finissent invariablement par me demander si j'ai faim… Ma taille l'impressionne, elle estime que je devrais manger beaucoup plus… Elle craint aussi beaucoup que je n'aime pas sa cuisine qui est pourtant exquise. Souvent, c'est J qui traduit dans un sens ou dans l'autre… Fin du dîner assez austère… Les soirées extérieures s'étant accumulées, ce soir ce sera DVD… Ocean 12… Une grosse daube putassière. Au lit très tôt donc, avec Life and Death in Shanghai, écrit par Nien Cheng en 86. Autobiographie fleuve retraçant la vie de cette grande bourgeoise qui a tout perdu, fille comprise, et passées de nombreuses années en camps aux temps des révolutions culturelles successives. Deux intérêts majeurs : c'est écrit très simplement et ça endort très vite. Quand il m'arrive encore de vouloir être, rester, devenir intelligent, je veux dire d'une intelligence qui ne soit plus strictement fonctionnelle, mais confrontée à un esprit plus élevé que le mien, je pioche chez le vieux Torga qui a échappé au stockage en malles. « Coimbra, 24 janvier 1989 – Je suis perdu. Je continue à me battre avec les mots, mais suis de plus en plus découragé. Avant, je ne doutais pas de leur force expressive, et me servais du lexique avec confiance. A présent, tous me semblent creux, vides, exsangues. Au mieux ils disent le relatif, et je voudrais l'absolu. Alors j'abandonne le poème à ses premiers vers, la page de prose à ses premiers paragraphes. Sauf que j'ai l'air enseveli dans le silence où je me tiens. Et je reviens à la charge, en quête d'un miracle. D'in miracle qui s'accomplirait par la grâce de ma propre angoisse, et ferait respirer chaque mot dans un contexte d'asphyxie. Â»

 

Couché top tôt donc réveillé à deux heures et pas moyen de me rendormir… D'abord mentalement puis sur cahier, je crée une ligne de vêtements, Shanghai Style – Trademark for people building future… Vague sentiment de bullshit intégrale !

 

24/4 –Mes parents ont appelé… En vieillissant, ils deviennent charmants, attentionnés… Il faut partir en Chine… Pas de nouvelles des garçons, réunis avec fiancées sous le toit maternelle. Des Gémeaux non communiquant, n'est-ce pas un comble ? Un jour peut-être parviendront-ils à obtenir une connexion Internet, une adresse e-mail…

 

T, assez enthousiaste à propos de Shanghai Style, a transmis le projet à Xu Tao et Jin Lan… A suivre, la semaine prochaine à Shanghai…

 

25/4 – Je ne sors pas de cette bronchite éreintante. Je tousse dès que je suis allongé, dois me relever pour cracher d'énormes glaires jaunes. Du sevrage tabagique à la pollution chinoise, mon système respiratoire est mis à rude épreuve. Le somatique est connecté sur ce que je ne faisais qu'imaginer, le blues, le mental de l'expatrié qui, tout occidental qu'il soit, n'en est pas moins un émigré. Pour l'instant, l'épreuve se limite à l'ennui de certains jours, à l'impatience d'entreprendre, mais elle est encore confortable… Quand il va falloir faire rentrer l'argent pour financer ce qui doit l'être, un appart à Shanghai, un visa pro, un AR Paris, de l'ameublement, etc, les choses vont sérieusement se compliquer… Envoi de deux mails à des instances françaises de Shanghai, histoire de signaler ma présence… Trust the universe…

 

Mail à l'AFS pour leur proposer un programme de conférence… Si peu envie de lire ce qui est déjà publié depuis bien longtemps que je leur propose l'exclusivité mondiale de Nos Amours, le(s) texte(s) qu'ils veulent…

 

26/4 – La circulation… Je ne suis pas sûr de réussir à décrire, à véritablement faire partager, la manière dont les gens circulent ici, que ce soit à pieds, à vélo, triporteur, voiture, camion, et toutes sortes d'objets roulant à peine identifiables. Le mode opératoire semble être celui que j'utilisais à Paris en vélo, sous forme de défi, relier un point à un autre sans poser le pied à terre… Ici, c'est un peu pareil dans la mesure où les feux rouges sont globalement facultatifs, le sens de circulation est très aléatoire et le klaxon est beaucoup plus utilisé que les clignotants. Tout ceci dans une espèce de balai feutré où aucune règle ne prévaut, où personne ne s'énerve, dans une cohue multidirectionnelle mélangeant les piétons, les scooters et les vélos (souvent électriques, que l'on n'entend donc pas arriver), les motoculteurs tractant une remorque où s'entasse une famille, sans oublier les taxis verts, pour l'essentiel d'antiques VW santana (équivalant asiatique de la Jetta), les bus déglingués, sans fenêtre, et quelques belles autos du type Passat noires à vitres teintées, symbole de la réussite. On peut doubler en quatrième file, klaxon bloqué face à un camion qui va soudain emprunter la contre-allée réservée aux vélos de manière à ce que ça passe, seule véritable priorité commune à tous… Il n'est pas rare de croiser trois ou quatre personnes sur un même scooter, pas forcément assises dans le sens de la marche. Les casques peuvent être de chantier ou absents. Les très jeunes enfants sont en général debout sur la selle, coincés entre le père qui conduit et la mère en amazone. Les premières fois sont assez troublantes… Désormais, je monte à l'avant du taxi et m'amuse des trajectoires impensables que le chauffeur prend tout à coup, sans un haussement de sourcil. Un bon me conduit downtown, sur Yanling Xi Lu pour 14 rmbs (1.3€), 17 en cas de circulation dense… C'est surtout au retour qu'il peut y avoir problème. J'annonce Fudu Fan Dian, traduction locale du Shangrila Hotel, immense tour à l'angle d'un immense carrefour à une centaine de mètres de notre lotissement, le chauffeur répète en ajoutant okay et ce n'est qu'une fois embarqué que l'on constate qu'il ne sait pas où il va… Alors interminable discussion au feu suivant avec un collègue… Parfois téléphone, véhicule arrêté, générant force klaxon qui sont autant de pets à la face du vent déjà fétide. Finalement le type baragouine un truc avec un sourire extraordinaire et me dépose dix minutes plus tard avec un compteur à 22… Ce n'est arrivé qu'une fois, j'ai fixé le compteur, regardé le type, sorti mes 22rmbs, il m'en a rendu 7… Xièxiè, byebye… Changzhou compte environ 3M d'habitants répartis sur un territoire couvrant quatre ou cinq CDA de La Rochelle et nombre de quartiers n'existaient pas encore il y a six mois/un an… A l'heure actuelle, c'est au moins une douzaine de 4 Temps / La Défense qui sont en construction, incluant des milliers d'appartements de standing. Des Shopping Mall à l'américaine sortent de terre les uns derrière les autres, sur une artère de quatre ou cinq kilomètres qui n'était qu'un chemin de terre l'année dernière… Pour ce qui concerne le centre ville, du côté de la gare et de Yanling Xi Road, aucun problème, mais au-delà, c'est l'aventure d'autant plus hasardeuse que les lieux n'ont pas encore de noms chinois mais seulement les appellations mégalos des promoteurs, Spirit of NYC, Sun City, Olympic Gardens, Time Square, etc, rien qui évoque quoi que ce soit à un chauffeur de taxi… Peut-on pleinement prendre conscience de ce que signifie conduire pour 1,3 milliards d'individus qui sont la première génération à se trouver confronter à la question…

 

Je descends jusqu'à Yanling Xi Lu en fin de journée quand j'ai épuisé toutes les possibilités de mon petit périmètre. Ecriture, mails, coups de fil, fitness, sieste… Le tout en traînant le plus possible pour gagner du temps sur une journée qui ne rapporte rien, ne fait que coûter, ne construit rien, ne fait qu'attendre, encore et toujours… Le centre ville dépourvu de la moindre architecture remarquable n'est pas irrésistible. Gigantesques galeries marchandes exhibant les marques habituelles, Nike, Mc Do, KFC, quelques petits magasins sympas, DVD, fruits à la pièce, des minettes en bande qui gloussent en croisant un blanc, un américain, forcément un américain. Pour les rares quidams osant trois mots d'anglais, si à la question « Where do you from ? Â» on répond France, on a droit à des yeux ronds décontenancés et à une incompréhension déçue qui tourne les talons. L'hypermarché est en sous-sol, je m'y fournis en jus de fruits frais et Tsing Tao. J'ai essayé une bouteille de vin un soir, je ne recommencerai pas – breuvage à 11° tout à fait inconnu de mes papilles et absolument dispensable !

 

L'AFS a validé mon programme que nous peaufinerons la semaine prochaine quand je déposerai un ex de chaque bouquin…

 

27/4 – Souvent, F dîne à la chinoise, c'est à dire à l'usine, à 17.30 avec les ouvriers… Pour ne pas me retrouver coincé entre Ayi et J et plonger au fond d'une déprime abyssale, je vais dîner au Milo Coffee, juste en face du Shangrila pour environ 7€. J'ai désormais ma carte VIP et échange des cours avec Yan Lin, attendrissante serveuse de 22 ans. Ce qu'elle m'apprend en chinois dès que le service le permet, je lui enseigne en français, en anglais et en espagnol. Elle retient quasiment tout, moi un peu moins de la moitié. Elle est absente depuis deux jours, la manager est venue me trouver ce soir pour me dire que mon amie Marie s'excusait de ne pouvoir être là. Cette manie de changer leur prénom m'énerve. Je leur demande à toutes, elles me bafouille une occidentalerie qui n'est pas plus compréhensible que leur prénom chinois. Je fais les gros yeux, elles rient, prennent mon stylo et inscrivent leur prénom chinois en pinyin dans mon carnet de notes… Liu Yan, Yan Lin, Maï Li… De mon côté, Olivier se traduit par Gan Lan Shu, Shu étant un arbre quelconque, Gan Lan l'olive en elle-même… Aucune ambiguïté à la Thaïlandaise ou Philipino comme avec les chanteuses du Shangrila. Je suis plutôt le vieux prof sympa… Cette soupape à l'ennui et à la solitude est carrément vitale.

 

J'ai pris ma décision ce matin, je vais créer un blog. Et donc ne pas acheter d'imprimante à Shanghai mais un appareil photo. A ma connaissance, un paradoxe permanent tel que Changzhou, s'il a été vu, s'il est vaguement connu de quelques industriels, n'a pas été exploité, que ce soit en textes, images, reportages, etc. Je ne risque pas grand chose…

 

28/4 – Le nom chinois de la boîte qui emploie F peut se traduire par le progrès permanent... Il est en train de finaliser la quinzaine d'échantillons qu'il présente au salon de Shanghai la semaine prochaine et a souhaité que je passe les voir... Les bâtiments administratifs de l'usine ressemblent au Lycée International de Changzhou, massifs, dénués d'autre intention que celle d'exploiter des gens sous un toit. Le bureau de F est très directorial, il en est assez fier bien que son salaire ne soit pas en rapport. Trois vélos sont achevés et sur béquille, très réussis. Du dessin au design, l'harmonie et le style sont convaincants. Il lui reste trois jours pour venir à bout des douze ou treize modèles restant… Et ça ne suit pas ! « Taiwan ! Échantillons ! Nuls ! Incapables ! Â» Il est très speed, ce qui se conçoit aisément, mais, coincé par des délais de séchage ou d'acheminement auxquels il ne peut rien, il prend le temps de me faire visiter l'usine, de la réception des pièces jusqu'à l'emballage pour expédition. 1800000 vélos sortent chaque année de cette triple usine, à destination de la France, de la Russie, du Chili, de l'Allemagne, du monde entier. Du bas de gamme pour hyper-marché français à du vélo hors norme pour des marques prestigieuses, du vélo de ville pour Madame au BMX en passant par un engin pour course de côte, tout ce qui a deux roues sort d'ici, l'une des cinq plus grosses usines de Chine… Impressionnant. A partir d'un système initialisé à Taiwan il y a une vingtaine d'années, les pièces circulent, s'acheminent au plafond, suspendues à un rail qui alimente tous les postes, dessert les différents stades de la fabrication et de l'assemblage. Au sol, la ligne de montage est une ligne de montage. Guère enthousiasmant à l'Å“il quand on pense aux gens qui y sont rivés toute la journée mais très semblable à n'importe quelle chaîne dans le monde. Quand on change de secteur et qu'on passe à la peinture en cabine, aux bains, et surtout aux soudures et à l'emboutissage des tubulures, c'est avec les damnés de la terre que l'on a rdv… A 360°, des cloisons de séparation au sol, du plafond aux outils, du bruit et de la pénombre aux personnes, tout est gris noir cambouis à reflets sépia rouillé. Seule la flamme des chalumeaux apporte la couleur, on ne résiste pas au cliché de l'enfer. En été, la température dépasse 50°… L'espace vital de chaque ouvrier est inférieur à 1m², le salaire mensuel moyen est de 800rmbs (75€), les vacances sont de 12 jours incluant le nouvel an chinois. Et ce sont ainsi 1800 chinois qui vivent ici au rythme des 2x8… J'évite de croiser les regards posés sur le client international auquel je ressemble et qui est aussi détestable qu'indispensable. Au passage d'une usine à l'autre, chacune étant spécialisée, un garde en uniforme se met au garde à vous… De retour à son bureau, F me fait appeler une voiture qui m'attend au bas des marches et me ramène au lotissement… La misère de ces gens rend les mots obscènes.

 

29/4 –En attendant Shanghai, du monde, de la vie, des idées, des envies, l'ennui est tout de même assez copieux… J'ai donc pris mon vélo ce midi pour sillonner les petits quartiers de proximité, les rues aux commerces en rapport avec une population exclusivement chinoise et sous-prolétaire. Je fais un peu tache, il faut bien le dire. Ne serait-ce que le vélo ! Un échantillon de chez Ming en acier brossé qui en soit ne vaut rien mais ressemble à une Ferrari comparée aux clous sur lesquels ils portent des barres de métal ou des sacs de riz… Difficile d'entrer où que ce soit, pas un mot d'anglais, ni en vitrine, même les regards sont autistes ! Ayi partie à la gare acheter mes billets de train pour Shanghai qu'il faut prendre à l'avance, je suis en quête de quelques tomates prétexte à une cure d'huile d'olives (une fortune, mais un investissement indispensable pour compenser le riz !). Je m'arrête au hasard qui n'existe pas mais fait quand même bien les choses… Des minis tomates oblongues rouges ou jaunes sont plus qu'appétissantes, une jeune fille me tombe aussitôt dessus et m'explique tout, de l'origine au prix, dans un anglais parfait. Elle doit être la seule à dix kilomètres à la ronde. Part-time job dans cette épicerie, elle fait du management pour une boîte internationale… Les conversations, pour ne pas dire les respirations, se sont arrêtées dans le magasin. Je suppose que je ferais la même tête qu'eux si je tombais nez à nez avec les personnages de Star Trek… Excellentes tomates !

 

Orage dantesque sur le coup de quatre heures. Les 30/35° de ces derniers jours restent d'actualité mais la poussière est enfin collée au sol ! Le taux d'humidité augmente encore un peu, je suis obligé d'installer une serviette éponge sous mon avant-bras côté souris. Heureusement, la nuit tombe presque violemment ici… A six heures, le noir se fait en nous délivrant de cinq ou six degrés. Si la Chine m'a appris quelque chose pour l'instant, c'est que respirer ne va pas de soi…

 

30/4 – Le retard de ces notes que j'ai considérablement augmentées à la réécriture est rattrapé. Trois semaines demain que je suis ici… J'ai obtenu quelques rdv, je ne tousse plus, ne fume plus, ne bois plus aussi régulièrement, mais dispose d'un bon ordi et d'ici trois ou quatre jours d'un appareil photo. J'ai rencontré des gens, surtout T qui rend Shanghai accessible… J'espère trouver un appart décent au plus vite. Impossible de stocker mes malles ici, dans 9m² ! Impossible d'envisager quoi que ce soit ici, sauf la fonte express de ma socquette de laine ! Comment est-ce que je me suis débrouillé pour dénicher un Lauzières en Chine ? Shanghai ou rien. J'ai une semaine pour m'inventer un avenir ! Le calendrier, de toutes façons, est impitoyable. Arrivé le 10/4, sauf à acheter un autre visa, il me faut sortir et entrer à nouveau avant le 10/6 (conf à l'AFS le 9 !). La semaine à venir avec ses multiples contacts est donc déterminante, pour ainsi dire vitale…

wulumuxiluwulumuwiluwulumuwiluwulumuxiluwulumuxiluwulumuxilu

 

Mardi 10 mai 2005

 

A nouveau, je me suis laissé prendre par le temps, le clavier américain du portable, la crève ramenée de Shanghai, les projets à mettre en place…  

2/5 – L'attente, toujours l'attente. Demain, je serai à Shanghai… F aussi pour qui ce sera l'instant de vérité concernant ses vélos…

 

3/5 – Est-ce le charme de l'étranger, le fait de ne pas comprendre ce qui se dit autour de moi ? D'avoir arrêté de fumer ? Je me sens bien dans ces trains chinois quand je ne tiens pas en place et ronge mon frein dans le TGV qui va deux fois plus vite. Un train chinois, c'est un vrai voyage, avec des hôtesses de terre ou de fer qui passent poussant un chariot, l'un de salade de fruits, l'autre de boissons, ou encore de revues, des familles jouent aux cartes…

 

Deux heures plus tard, je m'épargne le métro où il n'y a rien à voir et traverse Shanghai en taxi pour 2€… Des voies rapides spatiales, on atterrit directement dans le magma en fusion de la masse chinoise qui pullule dans le centre entièrement voué au dieu business/pognon/consommation, puis deux cents mètres plus loin, les platanes de la concession française plantent un décor impensable quelques minutes plus tôt. C'est ici que je veux habiter…

 

Un peu de shopping avec T, notamment une méthode de chinois qui semble excellente, cd rom et tout le kit, ainsi que des cartes postales pour ma p'tite mère. Hélas, cette semaine, tous les Chinois sont en vacances. Et les Chinois ne partent pas en vacances ! Ils se promènent en ville et dépensent leur argent. Autour de People's Square, de Huahai, et de Nanjing Rd, la densité de population est celle d'un 31/12, minuit, sur les Champs Elysées. Ce qui ici n'exclut ni les voitures, ni les vélos…

 

F nous rejoint chez T qui nous propose de sortir dîner Xinjiang food… Les vieux Ouïghours écrivent encore en arabe, culture des confins de la Chine frontalière de l'Afghanistan… Nous débarquons donc dans un petit resto qui ne paie vraiment pas de mine et savourons longuement un dîner royal. F qui connaît pourtant bien l'Asie ne s'en remet pas. Le plat de mouton est incomparable, les pâtes succulentes, etc. Il leur manque dramatiquement le vin pour arroser ça, ce sera donc Tsing Tao, Tsing Tao. Un total global de 15€ plus tard, F prend un taxi pour sa chambre Sofitel, à proximité du salon, tandis que nous rentrons à pieds. Ren Yin nous rejoint alors que j'initie T à l'astro… C'est donc son thème qui occupe la fin de soirée.

 

4/5 – Journée pénible sans raison objective. Humeur massacrante, physique en vrac, moral dans les chaussettes, immense fatigue. Accablé d'oisiveté, j'erre dans la ville sans me résoudre à aller acheter l'appareil photo numérique auquel je pense depuis un moment. Si tant est que ce ne soit pas le cas en permanence, en ces instants, c'est encore plus insupportable : cette putain de vie n'a aucun sens !

 

T me rejoint au marché de l'électronique en fin d'après-midi, dès qu'il a fini de traduire les mangas qui paient son loyer, et j'acquière donc un Samsung A6, recommandé sur Internet par les vendeurs de la fnac, ainsi qu'un petit lecteur mp3, chinois donc pas cher. Au retour, par les petites rues de la concession française, nous faisons halte au magasin de DVD et autres logiciels craqués. Encarta, 5 cd, toutes les cartes et routes du monde, dictionnaires intégrés, pour 50 rmbs (4.70€)… Le blues de l'égaré ne résiste pas à tant d'agréables distractions. C'est en pleine forme que j'offre le dîner à T et Ren Yin, dans le jardin palmeraie, bambouseraie, d'un pub irlandais où la Guiness pression est abordable. Rien à voir avec la cuisine Ouïghour, ici, nous sommes dans le Shanghai international où quelques rares chinois s'affichent pour signaler leur réussite de blancs, mais l'endroit est assez enchanteur… Le reste de la soirée passe en installations de programmes informatiques pour lesquels T est aussi brillant qu'indispensable.

 

5/5 – Je débarque au Salon International du Cycle de Shanghai sur le coup de 11h00… Disons, la Porte de Versailles, peut-être un peu plus grand… La chaleur est épouvantable dans ces hangars de tôle… Le stand n'est pas mal, les vélos de F sont très réussis. En photographiant le stand, le zoom de mon Samsung tout neuf se bloque ! Je suis ravi de quitter cette foule et de profiter d'une demi-heure de balade en taxi…

 

... / ...



16/02/2007
2 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 19 autres membres