Le temps d'un passage

Dimanche 24 juin 2007

The dreamers - Hors de prix - Lady Chatterley - Prête-moi ta main - Breacher

Suite de l'aventure sur http://shodavid.blogspot.com/

Le dernier cours du semestre sur mai 68, très vaguement, très ce qu'il faut en retenir… Une étudiante passionnée par le sujet m'a prêté The dreamers dont j'ignorais même l'existence. Bertolucci fait mieux qu'un devoir de mémoire ou qu'une madeleine fourrée au népalais… Il a ce regard (auto) critique justement hérité de l'époque – un regard qui serait presque caustique si le dramatique de l'autodérision n'était teinté de tendresse… Il a conservé son regard sur le sexe, cette nécessaire déviation expérimentale de la norme au nom de l'esprit. Theo et Isabelle, frère et sœur jouant à l'inceste libertaire jusqu'à ignorer sa dimension liberticide, croisent Matthew, un jeune américain à Paris et sa cinémathèque en crise, un soir de mai 68... Le discours et la posture maoïste sont démontés à coups de grands crus classés, ce qui est une très juste réduction des révolutions bourgeoises made in France. Le pragmatisme américain du jeune étudiant qui a pu échapper au Vietnam recadre aisément le romantisme pseudo révolutionnaire de Theo – exactement insupportable Louis Garrel… L'appartement, le ventre de la gestation puis de l'avortement idéologique, est la restitution du labyrinthe de la filiation abritant essentiellement les contradictions qui le transforment peu à peu en cloaque… Nous sommes donc dans la dimension cauchemardesque du rêve, à moins que ce ne soit l'inverse, aussi du côté haïssable de l'amour, là où l'on se brûle pour voir – même pas peur jusqu'au moment où ça fait vraiment mal, où la tentation d'ouvrir le gaz l'emporte… Le refuge écran/paravent de la culture cinématographique délègue ses secrétaires d'état à l'étant par procuration, la bande son toute en Janis/Jimi/Jim finit d'habiller le mal être. Bertolucci montre bien à quel point ces années charnières ont cristallisé le questionnement existentialiste, aussi la profondeur de l'inadaptation de l'être à un monde qu'il crée sans jamais l'identifier comme le sien… L'époque était extraordinairement prométhéenne. Depuis, la société de consommation l'a très nettement emporté sans, bien sûr, rien solutionner puisque, non seulement elle n'y prétend pas mais, surtout, elle préfère liquider l'héritage selon la voix des gouvernants élus… C'est à dire que le France d'aujourd'hui, sous couvert de technologie et de modernité et de rentabilité, est culturellement retournée au début des années 60… Mai 2008 sera un test important de la vitalité, ou de la léthargie, des consciences. The dreamers, comme les émigrés, ont fait des enfants, l'avenir, par définition, leur appartient.

 

Le lien raccourci est presque trop facile… Bien que ce ne soit probablement pas son propos, Hors de prix de Pierre Salvadori est exactement le résultat de la liquidation de l'héritage des Innocents-Rêveurs : la mise aux enchères des âmes, corps, consciences… Effectivement aucune bonne raison d'être pauvre et retenu en esclavage par l'industrie donc, seule alternative proposée par le film miroir ludico-social, la tarification de l'intime. Gad Elmaleh et Audrey Tautou font leur boulot sous l'Å“il d'un artisan es comédie dont on peut se demander jusqu'à quel point la vacuité de son film est intentionnelle… Filmer le vide ! Antonioni, Wenders… Quand bien même rêvant d'une légèreté à la Capra ou Minnelli… On reste très très loin du compte. Plus récemment, révélant Audrey Tautou, Vénus beauté mettait de la chair sur cette proposition là où Hors de prix, finalement, vulgarise le vide ou vide la vulgarité… Bien sûr, l'ensemble est élégant et très professionnel.

 

On n'en finit plus de gloser sur la question de l'adaptation littéraire… Lady Chatterley est une réponse d'autant plus probante qu'on peut la comparer à la version Sylvia Kristel… Just Jaekin filmait ses fantasmes de la femme, Pascale Ferran saisit l'émoi, le trouble, le désir aussi bien sûr, issus de la frustration qui en devient presque souhaitable… Je ne me souviens pas que le roman de D. H. Lawrence ait suscité cette réflexion – peut-être étais-je trop jeune… Non plus que la nature fut ainsi soulignée, surlignée, surexposée, au cas où l'on aurait pas compris que Lady Chatterley agit dans un élan aussi irrépressible et impétueux que la verdure avant/après l'ondée/l'orage… Marina Hands est effectivement saisissante et Pascal Ferran a su diriger les hommes du casting loin du carré où ils sont habituellement confinés - Hippolyte Girardot et Jean-louis Coulloc'h irréprochables. Le résultat donne une sobriété bien venue qui dédramatise élégamment la sexualité, la purge de la culpabilité puritaine à l'origine de cette pantomime que sont les vies frustrée/castrées… Serait-ce la dramaturgie qui manque au registre ?

 

Chabat sauvé des eaux mais à peine… Il aura fallu tout le charme, le talent et le mystère, de Charlotte Gainsbourg pour que Prête-moi ta main d'Éric Lartigau mérite mieux qu'un cadeau de fête des mères ou un après-midi de Noël en famille… Soyons clairs, Chabat n'est pas bon mais il n'est pas seul en cause. Ce genre de scénario, tellement étiqueté on va cartonner, y'en aura pour tout le monde… Calibrage Pédale douce avec caricature SM à hurler, caricatures en tous genres prétextant une fois de plus à cette légèreté qui a force d'avoir bon dos ne récolte que les tomates que ses navets réclament… Tout de même revu Aïssa Maïga croisée en médecin urgentiste dans le Place des fêtes d'Oliver Schmitz dans Paris, je t'aime mais tout ce que l'on peut garder de ce produit, c'est qu'il faut Sauvez Charlotte !

 

Je conclus par une américanerie, Breach de Billy Ray avec Chris Cooper (impec com d'hab), Ryan Philippe et Laura Linney (job +). Ne restera pas dans les annales et n'y prétend d'ailleurs pas mais comment ne pas louer, une fois de plus, cette belle efficacité au service de personnages convenablement écrits et bien incarnés, eux-mêmes au service d'une histoire qui fait d'autant plus sens qu'elle est aussi au service de l'Histoire… Basé sur des faits avérés, ce petit film d'espionnage pas trop cher, met aux prises le FBI et une vieille taupe estampillée KGB/Opus dei se retrouvant avec un petit jeune entre ses pattes… Bon… La vie des Américains, quoi ! Belles têtes, bien faites, bien pleines – nothing personal ! Hélas, cinéma 2007 égale nécessaire audience, dollars, et donc ficelles grosses comme le lasso des cow-boys du marketing management étranglant le final cut… C'est pourtant cette efficacité qui, certes dans un autre registre, manque à Hors de prix et Prête-moi ta main…

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24/06/2007
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