Le temps d'un passage

Vendredi 6 juillet 2007

L'illusioniste - Disappearances - Scoop

Dans The painted veil, Edward Norton montrait déjà plaisamment cette patiente obstination à traverser la souffrance, son élégante détermination à attendre son heure, celle du retour de la femme aimée. Cette fois-ci, L’illusionniste qu’il est doit aussi affronter un méchant - l’excellent Rufus Sewell déjà en position triangulaire aggravée pour Tristan & Iseult -, un Prince couronné, comploteur, paranoïaque et narcissique en diable, dans la Vienne de 1900. L’enjeu est très incarné par Jessica Biel / Sophie, amour de jeunesse de Norton / Eisenheim, hélas dramatiquement bookée par son imminent mariage princier… L’arbitrage du conflit est maîtrisé par Paul Sideways Giamatti dans le rôle du chef de la police, ambitieux très ambitieux serviteur du méchant prince, mais pas moins homme puisque sensible très sensible à l’honnêteté et au talent de magicien de Eisenheim L’illusionniste. Si ce n’est le dénouement à la Hercule Poireau assez improbable pour ne pas convaincre, c’est du bon boulot, une agréable mécanique bien réglée par Neil Burger à partir d’une nouvelle à la Henry James. On ne s’ennuie pas, les images et les cadres sont attrayant, l’interprétation est convaincante, le casting irréprochable et les tours de magie sont de jolies parenthèses aussi surprenantes que l’on s’y attend… Mais l’ensemble est tellement calibré, si théorique, qu’on n’est à aucun moment pris par le charme élémentaire du cinéma qui est supposé créer l’illusion d’assister à une aventure humaine… Un beau livre d’images, une histoire à lire avant de s’endormir et de rêver d’autre chose.

 

La magie, la vraie, est dans Disappearances de Jay Craven, featuring Kris Old Wild West Kristofferson, Geneviève Bujold - revenante au propre comme au figuré - et Gary Farmer déjà truculent en Nobody dans le Dead Man de Jarmush. Belle brochette toute en authenticité à laquelle il faut ajouter Charlie McDermott dans le rôle de l’ado en plein trip initiatique. D’une histoire de contrebande de whisky dans le superbement sauvage Vermont des années 30, Craven tire un conte qui se perd et s’égare en cours de route comme ses personnages… Nature souveraine, animaux totémiques, passation de pouvoirs temporels et intemporels, aventure humaine à la vie à la mort, nourrissent un scénario prétexte sans grand intérêt, et cela fait beaucoup pour un seul film. Malgré ce script erratique car trop gourmand de sens, on aura cependant toutes les indulgences pour cet univers à la Jim Harrison – en fait, tiré d’une nouvelle de H. F. Mosher. Il est de plus en plus rare d’échapper au formatage du marketing. L’oscillation ne se fait plus qu’entre une approche artistique à la française qui n’échappe pas toujours à la complaisance et l’efficacité américaine transformant toute tentation créative en produit prévisible. Ici, l’ambition métaphysique de l’auteur illumine la trivialité des personnages et de leur quête. L’imperfection rythmique en devient presque un critère de crédibilité, l’issue inopportune une garantie de sincérité. Peu de films génèrent un désir de relectures pour mieux saisir les sous-textes… Disappearances est de ceux-là.

 

Il l’aime sa Scarlett, Woody. Au point de quitter Manhattan et d’aller tourner son Scoop à Londres… On pense à la Grace Kelly de Hitch – en plus hot, heureusement ! Les grands artisans individualistes tels que Truffaut, Chabrol, Almodovar, Hitchcock et Allen, ont besoin de leur petite famille pour porter leur univers foutraque, en éternelle gestation, remuement, recommencement. Scoop suit la veine comédie policière, pas méchante, pas sérieuse, récréative. Johansson, étudiante en journalisme embarquée dans une très improbable intrigue à base de magie et de revenant, fait la paire avec Woody himself pour démasquer le tueur au Tarot et tombe sur le bellâtre de service, Hugh Jackman. Séduction, doute, intrigue, cocasserie, tout ça au douzième degré joué au premier. Du rythme, encore et toujours du rythme, un savoir-faire filmique qui n’est plus à démontrer depuis longtemps, Woody Allen se fait plaisir et délivre un anti-scoop : il est toujours là pour une soirée sympa au fond du canapé. Je guette désespérément le moment où il reviendra à Bergman comme avec Hannah et ses soeurs...

 

 



06/07/2007
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